Indignez-vous...
pour rester dignes !
« Communiquer,
c'est mettre en commun ; et mettre en commun, c'est l'acte qui nous
constitue. Si l'on estime que cet acte est impossible, on refuse tout
projet humain. »
(Petite
philosophie à l'usage des non-philosophes)
C'est
en m'inspirant de cette phrase d'Albert Jacquard, du livre de
Stéphane Hessel et de la situation de Christophe Girard, agriculteur
des Deux-Sèvres (cf. la lettre « Au secours, ils sont en train
de me tuer ! » que j'ai envie, à nouveau, de crier, de
partager, de communiquer avec tous ceux qui peuvent entendre, qui
peuvent comprendre.
Indignez-vous
criait Stéphane Hessel dans son livre aux éditions « Indigènes »
dans la collection « Ceux qui marchent contre le vent »
« Ceux
qui marchent contre le vent » expression empruntée aux indiens
Omahas (famille des Sioux), des plaines d'Amérique du nord,
pourrait bien s 'appliquer aussi aux petits agriculteurs de
notre pays qui résistent et luttent « contre le vent »
pour exister, pour vivre et pour défendre une certaine idée de
l'agriculture, une certaine idée des relations sociales,une
certaine idée d'une solidarité renouvelée.
Ils
marchent « contre le vent » du consumérisme, des
banques, des coopératives, des puissances de l'argent.
Ils
marchent « contre le vent » mais, même si le vent est
fort, certains ne plient pas, ne baissent pas la tête, parce qu'ils
veulent rester dignes et leur dignité est dans leur lutte et pas
seulement dans l'issu du combat. Leur dignité est dans leur passion,
celle d'une terre propre qui veut nourrir les hommes.
Chaque
miette de leur vie, chaque instant de leur souffrance sert à
conquérir leur dignité.
« Indignez »
est un mot de la même famille que digne,
dignité.
Dignité :
« Fait
que la personne
humaine
ne doit
jamais
être traitée
comme un moyen,
mais comme une fin
en soi. »«
« Tous
les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droits. Ils sont doués
de raison
et de conscience et doivent agir les uns envers
les
autres dans un esprit de fraternité. »
Article
1 Déclaration universelle des droits de l'homme
adoptée
par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 10 décembre 1948
Il
serait temps que ces mots retrouvent tout leur sens !
« Chaque
génération, sans doute,
se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle
ne le refera pas.
Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher
que
le monde
se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les
révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux
morts et les
idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent
aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où
l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire
la servante de la haine et de l'oppression, cette
génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer, à
partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait
la dignité de vivre et de mourir. »
En
1957,Albert Camus reçoit le
prix Nobel de littérature pour
« l'ensemble d'une ?uvre
qui met en lumière les problèmes se posant de nos jours à la
conscience des hommes. »
Déjà,
en 1957, Camus pointait du doigt « des
techniques devenues folles », « les médiocres
pouvoirs »qui
« peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus
convaincre »
ou encore
« l'intelligence »
qui
«
s'est abaissée jusqu'à se faire
la servante de la haine et de l'oppression, »
Plus de 50
ans plus tard qu'en est-il ? Les paroles de Camus semblent
malheureusement encore d'actualité. Les techniques qu'il évoque
sont-elles au service de l'homme ou plutôt pour le profit de
certains ? La terre qui est sensée nourrir les hommes est en
train de se déshumaniser.
Autre mot
qui semble avoir perdu tout sons sens initial :
« La
coopérative
est une entité économique fondée sur le principe de la
coopération. Elle a pour objectif de servir au mieux les intérêts
économiques de ses participants (sociétaires ou adhérents) »
source Wikipédia
«
Une coopérative est une association autonome de personnes
volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins
économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une
entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est
exercé démocratiquement. »
source Wikipédia
Qu'en
est-il aujourd'hui de l'esprit coopératif ? Le profit a
supplanté le partage, l'intérêt de quelques-uns est venu prendre
la place de l'intérêt collectif. La « propriété collective»
n'a t-elle pas été remplacée par le pouvoir de quelques-uns ?
Que
font-ils de leur pouvoir si ce n'est de le mettre au service de
quelques-uns. Le pouvoir est une force mais peut devenir une violence
si on s'en sert pour discriminer, séparer, trier, profiter. Le vrai
pouvoir c'est la connaissance, la connaissance et la prise en compte
de l'autre, des autres, de tous les autres. Sinon ce n'est qu'un
pouvoir de pacotille, un pouvoir de petit chef mais, malheureusement,
il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de la stupidité humaine. Le
pouvoir est moins fort que le vouloir car le pouvoir est éphémère
alors que le vouloir, parce qu'il est animé par des convictions, des
valeurs, dure dans le temps. Le pouvoir souvent détruit, le vouloir,
lui, toujours construit.
Les petits
paysans, comme Christophe Girard, veulent sauver ce qui reste de leur
métier. Il sont fiers de le pratiquer et leur fierté, dans leur
infortune, soutient leur courage et leur donne de la dignité.
Ils
marchent contre le vent qui les fait parfois reculer :
« Reculer
en faisant désespérément semblant d'avancer. Il n'y a probablement
pas de métaphore plus percutante pour définir une époque où
l'image de la modernité cache si souvent des formes de régression
évidentes. »
(Christian Rioux – site LE DEVOIR.com )
Mais
n'oublions jamais que le vent change de sens.
Continuons donc de nous
indigner pour garder notre dignité. Continuons de nous indigner
devant les conséquences désastreuses au quotidien des attitudes de
ceux qui ont le pouvoir de l'argent, de la dictatures des
financiers. Continuons de nous indigner devant la situation des
petits paysans, comme Christophe Girard, qui luttent pour préserver
leurs valeurs, leur terre, notre terre.
Soyons
le ferment d' « un
esprit de résistance » car
comme l'a écrit Stéphane Hessel :
«
Créer
c'est résister, résister c'est créer . »
« Désormais,
la solidarité la plus nécessaire est celle de l'ensemble des
habitants de la terre. » a
écrit aussi un autre défenseur de la nature ... et de la
nature humaine, Albert Jacquard.
Et pour créer cette solidarité
humaine, commençons par respecter la dignité de chacun et faisons
nôtre cette phrase de l'Abbé Pierre :
«
Aucun
homme n’est sans avenir. Toute dépend du regard que l’on porte
sur lui » ».
Le 25 juillet 2012
Jacky
Prêt